DE ANNE DE BRETAGNE À AUJOURD'HUI
Retour page précédente "Perros, ses origines".
Louis XII exigera en 1506 que sa fille aînée, Claude, héritière du Duché de Bretagne, se fiance à François d'Angoulême, héritier supposé du trône de France (et futur Roi sous le nom de François 1er). Anne de Bretagne se retire à Nantes et meurt le 9 janvier 1514 : le Duché revient à sa fille Claude qui se marie en 1514 à François d'Angoulême. Louis XII mourra peu après en 1915, et François d'Angoulême sous le nom de François 1er lui succèdera : ainsi le rattachement du Duché à l'autorité du Roi de France est-il maintenu.
En 1499 parait le premier livre imprimé en breton : "Le Catholicon". Il a été composé par Yves Roperz qui est né à Kerdu, petit village entre Tres Traou et La Clarté.
1523 : le premier registre des baptêmes est tenu à Perros-Guirec.
1553 : restauration (longère nord) de l'église Saint Jacques du Bourg.
En 1554 : création du Parlement de Bretagne qui s'installe à Rennes (c'est une cour politico-juridique).
1583 : restauration de l'église Saint Jacques du Bourg.
En 1587, Perros est partiellement pillée par des pirates anglais.
En 1588 commence une nouvelle période de trouble pour le Royaume de France et le Duché de Bretagne avec les guerres de la Ligue (1588 - 1598). Le Roi de France Henri III est considéré comme étant trop conciliant avec les protestants par le très catholique Henri de Guise. Henri de Guise s'opposera à Henri de Navarre, chef protestant et futur Roi de France. Le Duc de Mercoeur est alors Gouverneur de Bretagne et époux de la Duchesse de Penthièvre : il prend le parti de Henri de Guise et se rebelle contre Henri III, plus tard il refusera de reconnaître Henri IV même après la conversion au catholicisme de celui-ci. Il s'alliera aux Espagnol dans l'espoir à la faveur de ces troubles de pouvoir recréer un Duché de Bretagne dont il serait le Duc. Perros comme tout le Trégor sauf Tréguier prit le parti de Mercoeur et de Guise.
Pour tous les habitants du Trégor ce fut une période difficile où ils virent alternativement les armées des deux camps traverser et piller les villages.
Cette guerre eut par contre des conséquences importantes pour Ploumanac'h. Dans le château de Castel Braz (contre la plage de la Bastille) s'était installée une bande de soldats de Henri IV qui se livraient au pillage dans la région. Henri IV souhaita y mettre fin et des officiers du Maréchal d'Aumont qui était chargé de mettre de l'ordre en Bretagne et de chasser les Espagnols de la presqu'île de Crozon prirent le château en 1594 : certains soldats pillards furent pendus, les autres se rendirent et le château fut rasé. Cet évènement marque le déclin de Ploumanac'h où il ne restera bientôt plus que quelques petites chaumières.
A cette période troublée sur le plan politique succéda une autre période de malheurs avec une épidémie de peste dans la région de Perros qui durera de 1600 à 1635.
1622 : érection du calvaire de Kroaz ar Skin en haut de la côte du Bourg vers Tres Traou : l'intérêt principal de calvaire, outre son ancienneté, est l'inscription encore lisible autour du socle avec la graphie PENROS : "Y MENARD PRD PENROS 1622" (PRD : prêtre).
En 1663, Colbert fonde la Compagnie des Indes et crée un port qu'on appellera le port de l'Orient, devenu Lorient en français (mais toujours An Oriant en breton).
La fin du XVIIème siècle et le début du XVIIIème siècle sous le règne du Roi Louis XIV furent aussi difficiles pour les populations avec des mauvaises récoltes pendant plusieurs décennies en raison de ce que l'on appelle le "petit âge glaciaire" qui s'étendra de 1659 à 1720.
C'est à cette période que furent construits les clochers de l'église du Bourg et celui de la chapelle de La Clarté (on dit que les pierres de Castel Braz ont été utilisées à La Clarté).
La deuxième partie du XVIIIème siècle verra en Bretagne la Révolte des Bonnets Rouges (1675) en réaction à l'augmentation insupportable de la pression fiscale, mais Perros ne participera pas à ces événements.
A cette époque les Anglais sont les maîtres de la Manche et leurs corsaires pillent nos navires marchands (il est vrai que nos corsaires malouins se défendaient bien aussi dans cette activité). Pour protéger la rade de Perros, qui était très utilisée pour s'abriter en cas de mauvais temps par les navires marchands, Vauban peut-être songea à fortifier les Sept Îles (il étudia aussi les possibilités de la rade de Perros pour y installer un port de guerre). En tout cas ce qui est sûr, c'est que son disciple, Garangeau, réalisa la construction du fort de l'Île aux Moines à partir de 1740.
Sous Louis XV, le Duc d'Aiguillon est Lieutenant-Général de Bretagne. Il avait un faible particulier pour une jeune et belle meunière du moulin de Pont Couennec et le Manoir de Pont Couennec aurait abrité leurs amours : le Duc, afin de faciliter ses nombreux déplacements à Perros, fit refaire la route de Lannion à Perros auparavant de qualité fort médiocre ! L'amélioration de la desserte de Perros doit donc beaucoup à cette jeune et belle Fanchon ...
Perros avait à cette époque avant la Révolution trois Seigneuries : Pont Couennec donc (la construction remonte à 1473) , Crec'h Guegan près du Bois d'Amour au-dessus de La Rade et la Salle aux Chevaliers dans la montée de la côte de Landerval reliant La Rade au Bourg. (A Pont Couennec, on peut aussi encore apercevoir le portail de la Chapelle Saint Samson, détruite en 1866, reprise dans le mur d'un bâtiment).
La Révolution se passa sans troubles particuliers à Perros qui élit son premier maire, Yves Allain en 1790. La commune de Perros sera choisie comme Chef-lieu de Canton. Le curé de Perros, Jean-Marie Le Lay sera réfractaire et se réfugiera avec le soutien de la population aux Sept Îles. Il reviendra en 1801
En 1795, le "Neptune" fait naufrage entre Thomé et la Pointe du Château, faisant une cinquantaine de victimes.
Le début du XIXème voit le développement d'une nouvelle culture qui va transformer la vie de la pauvre paysannerie bretonne : la pomme de terre (la patate, pato en breton, comme on l'appelle communément). De 1800 à 1850 cette culture se développera considérablement et permettra une amélioration de l'alimentation de la population.
En 1835, le phare de l'Île aux Moines est achevé : il signale aux navires le point le plus nord de la Bretagne qui, avec ses îles et récifs a causé la perte de dizaines de navires.
La Rade de Perros est alors la plus importante pour la relâche des côtes de la Manche : les navires de pêche, de commerce ou de guerre viennent y relâcher ou se mettre à l'abri des mauvais temps en grand nombre ; plusieurs milliers de bateaux par an la fréquentent (malgré le danger des nombreux récifs aux abords des chenaux d'accès qui seront cause de nombreuses avaries et de beaucoup de naufrages).
1843 : restauration de la tour de l'église Saint Jacques du bourg.
1857 : le chemin de fer atteint Rennes.
Le Fort des Sept Îles est abandonné en 1875 ; deux fermiers tenteront quelques années de vivre sur l'île mais renonceront.
En 1873, les travaux d'aménagement du port de La Rade avancent lentement (on construit les môles que l'on voit encore aujourd'hui) ; auparavant il n'y avait qu'un échouage naturel ce qui rendait les déchargements difficiles avec la vase.
L'activité du port consiste en une pêche côtière (Perros n'armera jamais pour la Grande Pêche à Terre-Neuve ou en Islande) et en un trafic commercial de cabotage ou vers Cardiff, Plymouth : charbon dans un sens, bois pour les mines, bétails, pomme de terre, primeurs dans l'autre sens.
Plus tard, en 1888, on construira la digue du Lenkin pour créer un bassin de chasse : le bassin du Lenquin était vidé à chaque marée afin d'évacuer les vases du port. (Lenquin, devenu Linquin aujourd'hui, est la francisation de Lenn Squin, l'étang de l'"échine" c'est-à-dire l'étang du cordon littoral : le Skin est la flèche naturelle de sable qui sera renforcée et prolongée par le môle ouest du port. A Louannec en face, ces deux mots bretons sont encore en usage : on parle du Lenn pour l'étang et du Squin pour le cordon).
Enfin plus récemment, il y a une trentaine d'années, la digue du bassin et l'écluse seront réalisées pour créer le port à flot. Le bassin du Linquin perdra son rôle de bassin de chasse et deviendra un plan d'eau de loisir.
En 1881, le chemin de fer arrive à Lannion ; il sera prolongé jusqu'à Perros en 1906 (la petite ligne de Lannion à Perros sera supprimée en 1945). La gare est toujours visible sur l'esplanade du Linkin devenue lieu de rendez-vous des joueurs de pétanque.
Il faut alors 15 heures de voyage pour venir de Paris, mais cela n'effraie pas les premiers estivants : il fallait plusieurs jours auparavant pour venir en diligence et plusieurs jours aussi avec les premières voitures ...
Le développement de Perros suit le chemin de fer avec l'ouverture à La Rade de l'Hôtel de Paris, de l'Hôtel des Bains, de l'Hôtel du Levant et, initiative osée, par Joseph Le Bihan de l'Hôtel de la Plage à Tres Traou en 1886 : Tres Traou est alors quasi déserte (une ferme, une villa) et peu accessible même si le chemin du Bourg de Perros à La Clarté et à Ploumanac'h la longe (le tracé aujourd'hui goudronné est resté le même).
De 1884 à la veille de sa mort en 1892, Ernest Renan habita à Rozmapamon, propriété qui domine Le Lenn en Louannec (au-dessus du camping). (Rozmapamon signifie la lande du fils Hamon).
En 1893, un ingénieur polonais, Bruno Abdank Abakanowicz entame la construction du château de Costaeres (déformation de Koz Seherez, la vieille sécherie : on y séchait les poissons pour la conservation).
En 1895, la Compagnie du Grand Hôtel de Perros-Guirec (qui sera l'Hôtel de Trestrignel face à la Plage) et la Société Civile des Terrains de Trestrignel sont fondées. Tous les terrains, achetés auparavant par Monsieur du Pré de Saint-Maur, sont lotis.
Monsieur de Saint-Maur construira pour lui-même la villa de Beg ar Hastel sur l'isthme aplani de la Pointe du Château (Beg ou Pen ar Hastel en breton) : la villa sera détruite par les allemands pendant la guerre de 39-45. Le peintre Maurice Denis achètera la villa "Silencio" propriété auparavant de l'actrice connue Mlle Josset qui construira alors Frou Frou (qui domine le point d'observation au bord de la Corniche à l'ouest de Tres Trignel). Mlle Josset achètera également le Château du Hédrou en 1899 pour en faire un Hôtel Casino (le succès ne fut pas au rendez-vous et elle le revendit quelques années plus tard). C'est aujourd'hui une colonie de vacances de la Poste / France Télécom (Hédrou est une déformation du nom du chemin qui descend depuis les hauteurs de la rue Pierre Le Goffic jusqu'à la grève "Hent Draou", chemin du vallon. Le petit hameau aux jolies vieilles maisons au toits de tuiles en haut du chemin au bord de la rue Pierre Le Goffic s'appelait autrefois "Ker Hent Draou Huellan" : le village du haut du chemin du vallon).
En 1900, Monsieur Sorel de Paris achète l'Île Tomé à leur propriétaire, deux demoiselles. L'île appartient aujourd'hui à la Commune de Perros.
Tomé, qui s'appelait autrefois Tavéac, ne fait pas partie de l'archipel des Sept Îles (Tomé est le nom d'un de ses propriétaires au XIXème siècle).
Au début du XIXème et au début du XXème siècle, une petite ferme y était exploitée avec 6 vaches, des moutons et un peu de sarrazin. Le problème était l'absence d'eau douce hors la récupération des eaux de pluie.
En 1900, le Bourg et La Rade reste encore deux agglomérations très distinctes, La Rade étant nettement plus importante. En outre le Bourg, minoritaire, catholique et conservateur, s'oppose très violemment au Port, républicain et anticlérical. A noter que la Gendarmerie, la Douane, la Poste, les Hôtels, les principaux commerces ... sont à La Rade. Le Bourg détient la Mairie, l'Église, le Cimetière et quelques commerces. En 1901, Perros passera la barre des 3000 habitants pour près de 8000 aujourd'hui.
En 1903, Monsieur Delestre (le père de l'auteur des ouvrages sur Perros) loue les Sept Îles pour dix ans à l'État : M Delestre jouera un rôle actif pour s'opposer aux chasses au Calculot sur les terres qu'il a en location.
1912 : création de la Réserve de l'Île Rouzic où la chasse aux Macareux est interdite.voir la page Les Oiseaux de mer
1912 : ouverture de la route de la Corniche qui relie le Linquin via les Arcades au Bourg en passant par la "Tranchée au-dessus de Tres Trignel. Cette route sera prolongée jusqu'à Trébeurden. Ces travaux routiers sont pour l'époque remarquable par leur importance (la création de nouvelles routes est une chose exceptionnelle).
La guerre de 1914-1918 ravagera la Bretagne qui comptera énormément de morts : plus de 250 000 bretons seront tués à la guerre ! Perros comptera 131 morts. C'est proportionnellement beaucoup plus que dans tout le reste de la France.
Il suffit de regarder les longues listes sur nos monuments aux morts. Les soldats bretons, dont la plupart ne parlaient pas le français, ont été envoyés au front comme chair à canon. Dans pratiquement chaque famille bretonne, il y eut un mort, voire plusieurs. La Bretagne et les Bretons restent encore marqués par cette tragédie et cette discrimination dont ils ont souffert.
Perros verra ses hôtels transformés en Hôpitaux ou Maisons de Convalescence pour les nombreux blessés revenant du front.
1923 : création du drapeau breton, le "Gwenn ha Du" (le Blanc et Noir) à côté des armoiries traditionnelles historiques.
Le développement du tourisme reprendra entre les deux guerres (on ne parle pas à cette époque de touristes mais d'estivants ; (ce terme est toujours employé par les anciens). La seconde guerre mondiale stoppera à nouveau ce développement.
Durant la guerre, les ports bretons seront sévèrement touchés : les ports et villes de Saint-Malo, Brest, Lorient, Saint-Nazaire seront entièrement détruits. La Résistance d'autre part sera particulièrement active en Bretagne.
Perros, comme toutes les zones stratégiques fut particulièrement surveillée par les allemands qui pouvaient craindre un débarquement dans la baie de Perros ou sur les plages de la région. Tous les 500 mètres environs des blockhaus furent construits ; la Pointe du Château fut creusée de part en part pour défendre l'entrée de la baie et le rivage de la baie était encombré de chevaux de frises afin d'interdire l'accostage de navires. Ces barres de béton étaient encore visibles dans le secteur des arcades jusqu'aux années 1980 où elles furent réunies pour renforcer la pointe du Craon ("l'aiguille" en breton / elle est aussi souvent orthographiée C'hraou) qui protège l'avant port.
Perros participera aussi "par les ondes"radio au Débarquement : le signal codé pour déclencher le soulèvement de la résistance bretonne au moment du Débarquement était "le petit chapeau de Bonaparte" (rocher en forme de chapeau qui domine le côté droit de la plage Saint-Guirec) est-il toujours à Perros-Guirec?". Vous pourrez le voir (mais de loin, il est dans une propriété privée) : il est toujours à Perros-Guirec ...
En 1961, près de Perros, à Pleumeur-Bodou, la première liaison de télévision par satellite est réalisée entre les USA et le Radôme !
En 1967, le pétrolier TORREY CANYON coule près des Îles Scilly au large de la Cornouailles britannique ; la Côte de Granit Rose sera dramatiquement souillée et beaucoup d'oiseaux mourront dans cette catastrophe écologique.
En 1969, Création du Parc Naturel Régional d'Armorique.
En 1978, nouvelle marée noire sur les côtes du Léon et du Trégor avec le naufrage de L'AMOCO CADIZ sur les Roches de Portsall au Nord Finistère.
En 1980, le Tanio coulera à son tour provoquant une nouvelle pollution !
1990 : les Côtes-du-Nord changent de nom après une longue polémique et de nombreuses démarches et deviennent les Côtes d'Armor.
Nota : on lira avec intérêt concernant la préhistoire et l'histoire de Perros l'ouvrage de Claude BERGER et Françoise RACINE "DU CÔTÉ DE PERROS" La Tilv éditeur, collection Recherches & Documents.
A lire également les ouvrages de Pierre Delestre : PERROS-GUIREC 1900 et D'UN MONDE A L'AUTRE.